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C'est dimanche...
C’est
dimanche… un 28 février… Tout près le clocher sonne le dernier
coup de 11 heures ! Comme chaque matin, depuis de longues
semaines, j’investis le trottoir de ma petite rue de la Charité
« Charriera de la Charitat » en provençal… Eh oui, la
double appellation figure sur chaque plaque de la ville, c’est donc
déjà un peu la Provence chez nous !… Je dis « j’investis »
car avec mon déambulateur je prends un peu plus de place qu’un
piéton ordinaire et encore je n’ai plus le fauteuil roulant :
tout ça à cause de ce fou qui m’a fauché avec sa grosse moto !…
Enfin ne revenons pas là-dessus !
Aujourd’hui
malgré l’enneigement prévu les rues sont sèches et ont une odeur
de bitume et de caoutchouc, l’air est glacé, le ciel de plus en
plus gris enveloppe les montagnes à peine poudrées… C’est un
hiver facile, l’hiver qui m’aide à supporter ce handicap, je
l’espère momentané. J’arrive à contourner les pots de fleurs
gigantesques et sans vie dont seuls les tons vifs décorent la rue
presque déserte… Un pigeon roucoule, des moineaux pépient perchés
sur l’énorme tilleul dénudé dont les racines soulèvent les
dalles, comme autant de serpents menant sous terre une vie active et
mystérieuse…
Sans
trop d’effort j’arrive rue de Roumanille, passe devant la vitrine
du tapissier décorée de voiles aériens aux tons pastels ! Un
gros tracteur soulevant une étrave orangée ralentit pour me laisser
passer… A mon tour, je m’arrête pour céder le passage à un
jeune père son enfant emmitouflé endormi sur le dos… Une fillette
aux cheveux blonds me sourit serrant contre elle le pain odorant du
repas dominical. S’il faisait un peu plus chaud je ferais une pause
sur ce banc de bois posé là sous un réverbère. En face toutes les
maisons aux façades ventrues cachent leurs fenêtres sous des volets
de bois recouverts de couleurs joyeuses. Bon, ce sera pour une autre
fois !
Je
lève quand même les yeux vers les chiens-assis alignés sous les
toits de tôle un peu rouillée… j’aime leur nom et je m’imagine
derrière les vitres, plus près du ciel et de l’air pur… La
fumée opaque s’échappant d’un vélomoteur bruyant me fait
tousser et retomber sur terre !
Mon regard désappointé se contentera du fusain qui dépérit sur le
balcon en fer forgé faisant le coin de la ruelle, au-dessus d’une
gouttière écrasée par la violence aveugle d’un véhicule trop
rapide… Un peu plus bas des graffitis sans intérêt dépareillent
ce qui reste d’un mur lépreux sur lequel figure la mention peinte
en rouge : « Prière de ne pas... », ne pas quoi ?…
« stationner » ?… Il n’y a aucun risque, ce
n’est vraiment pas le moment en ce jour terne qui ôte tout le
charme du cadran solaire obligé de reposer ses aiguilles !
Il a quand même le mérite de faire face à la fontaine : d'accord en hiver elle est muette, mais ces deux-là, quand ils sont dans leurs jours heureux, ils mettent de la joie dans le quartier...
Leur
connivence ramène les cris des enfants dans le jardin public, les
senteurs des fruits juteux sur le marché attenant, les frissons
d’aise des platanes, toute une vie que j’attends impatiemment
car, pour moi aussi, elle annoncera un nouveau départ !…
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