L'Edelweiss



            Si nos prévisions s’avéraient justes, notre journée devrait être inoubliable!… Nous avions tout prévu pour que la randonnée soit réussie: la météo était favorable, le départ suffisamment tôt pour éviter de mauvaises surprises, les pieds en bon état et correctement chaussés, le casse-croûte dans le sac à dos auprès du thermos de café, et même un K-Way, on ne sait jamais…

Lac des Ayes (Briançonnais)


           Huit heures… les portières claquent, les bonjours s’échangent, nous attrapons nos bâtons et nous voilà partis sur un long sentier sinueux au milieu d’une pinède ombragée! Qu’il fait bon dans cette fraîcheur matinale en route vers un lac inconnu pour moi mais que l’on me dit très accessible…

          Nous sommes quatre! Quatre marcheurs pas trop entraînés mais bien décidés à rapporter cette fleur rarissime portant le nom mystérieux d’edelweiss: une fleur blanche au toucher de velours; une fleur porte-bonheur demandant beaucoup d’efforts simplement pour aller l’admirer dans son milieu naturel, là où les aigles sont rois…
 
Pierre marche devant… C’est lui l’organisateur, le guide, un peu distrait mais toujours de bonne humeur:

-» Vous verrez, le paysage est grandiose… nous escaladerons un peu, mais vous en êtes capables!

Martine, en second plan, a un peu hésité au mot «d’escalade»…

-» Ce n’est pas dangereux, au moins?»
-» Ne t’affole pas, je serai là… il faut juste bien regarder où l’on pose les pieds!»

Ancolie

           En 3° position, Henri, taciturne, avance d’une allure régulière. Je suis la dernière et tais une légère inquiétude: le lieu est quand même un peu isolé… enfin, on verra bien, je ne veux pas jouer les trouble-fête!

           Au bout de 2 heures, le sentier est devenu pierreux, le soleil tape, la forêt est loin… Pourtant, après le dernier virage, la fatigue disparaît lorsque sous l’azur du ciel se détache le lac tranquille, magnifique, cerné par de la caillasse aux teintes claires, se superposant pour former une avancée fragile et impressionnante au-dessus de l’eau… Nous restons sans voix!

-» Les edelweiss se situent où exactement?…»

La réponse de Pierre, victorieuse, se répercute au milieu du silence:

-» Sur le promontoire… ça se fait très bien, vous savez!…»

Nous nous regardons… Un ange passe…

-» Je crois que je vais vous attendre ici», nous dit Martine… Henri hésite… se décide…
-» Je crains le vertige… je vais rester avec toi...»

          J’avais déjà pris ma décision: je leur tiendrai compagnie!

Rhododendron de montagne


         Mais, imperturbable, Pierre s’était élancé laissant tomber son sac à dos sur l’herbe rase… Nos regards le suivirent avec un peu d’appréhension… Le trajet était court mais scabreux et, sans nous concerter, nous le jugions imprudent!

         Ce fût très rapide… En équilibre instable sur un rocher plat, dans un hurlement de surprise, Pierre fit un vol plané superbe et plongea dans l’eau qui clapotait doucement au-dessous de nous… Horrifiés, nous le vîmes disparaître puis surgir un peu plus loin, nageant vers le rivage…

         Un porte-bonheur l’edelweiss?… Sûrement car, comme le bonheur, il est souvent inaccessible donc difficile à saisir… Pour y accéder le chemin peut être surprenant, mais on y arrive et, quand on le détient, il n’est rien de plus précieux! Depuis j’ai appris que cette espèce est à protéger… comme le bonheur

lac de Souliers (Queyras)
 

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