Rupture






          Le jour était en train de s’affirmer chassant une brume qui s’effilochait sur la montagne apaisée. Les nuages de sable mouvant se désintégraient tandis que la lune sortait de son sommeil forcé offrant sa lumière tel un diamant précieux.

     L’homme cheminait dans ce paysage incertain, sans attendre que la vie éclaircisse le miroir du temps en chassant l’ombre des feuillages et des fleurs !

      Son dernier repas remontait au soir précédent, pris en solitaire dans une chambre impersonnelle … Il avait froid et faim et le souvenir de sa solitude actuelle se peuplait d’images angoissantes et désespérées …


       Il avait vu avec quelle fièvre, quelle nervosité l’avait quitté la femme qu’il aimait ! Il avait écouté, abattu, les pauvres raisons qu’elle évoquait. Il revoyait sur la table du salon, près du livre ouvert, la rose qu’il lui avait offerte, restée dans son papier d’emballage !… 





Pourtant l’après midi, dans la forêt bruissante de cris d'oiseaux, ils avaient fait une longue promenade et il avait bien cru que la vie reprendrait comme avant ! Mais, trop sûr de lui, il n’avait pas compris tout de suite qu’en glissant, dans la poche de son manteau, un paquet de lettres nouées d’un ruban elle rendait officielle une rupture qui le terrassait de douleur !
Alors vite, sans réfléchir, il avait fait sa valise, était entré dans le premier hôtel venu, accepté de rompre les douces habitudes de leur vie à deux et dénoué les ficelles de cette intimité qu’ils avaient créée ensemble et qu’il pensait éternelle !





            En ce matin frileux, il traversa la pelouse humide de l’hôtel sans âme et leva les yeux vers les fenêtres closes, théâtre du drame qui le dévastait…
Dans l’entrée, sur une table ronde, une poupée délaissée semblait regarder s’installer l’hiver sur les branches givrées du parc… Elles avaient perdu leur parfum de résine et dessinaient un carcan de tristesse autour de la maison !



          Au loin une horloge inconnue tinta et le son étouffé traversa le fleuve dans un silence ouaté. Il savait qu’à cette heure matinale un bon feu crépitait dans la demeure de ses amours perdues, derrière les rideaux tirés… Sa joie avait disparu entraînée par des paroles blessantes qui avaient érigé une frontière paraissant infranchissable !

          Sa mémoire voulait retenir la musique de leur accord passé mais ses yeux ne remarquaient plus qu’un brouillard opaque derrière lequel le bonheur restait invisible…

         Il marchait maintenant dans une réalité tout autre vers un horizon désolé, sans attrait, se sentant las et désabusé !…

            Accablé, il soupira et monta l’escalier …



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