Le temps d'avant
Il y a de cela bien longtemps, je devais avoir 12 ans, ma sœur et moi allions passer une partie des vacances estivales chez nos grands-parents.
Ceux-ci habitaient un hameau perdu dans une commune assez proche de chez nous, lequel se bornait simplement à deux rangées de maisons le long de la rue principale ; dans celles-ci le soleil entrait peu mais nous aimions en retrouver l’ambiance surtout en été. Les rares habitants, retraités pour la plupart, vivaient chichement en cultivant leur jardin et faisant leurs conserves ; ils possédaient un clapier avec quelques lapins qu’il nourrissaient de pissenlits et de fanes de carottes… Parfois ils élevaient une vache et deux cochons de façon à améliorer l’ordinaire …
Au printemps mon grand-père, ancien cheminot, partait de la maison dès l’aube, la fourche sur l’épaule, afin de participer aux travaux d’entretien des canaux qui se bouchaient régulièrement… ou bien il retournait la terre avant de l’ensemencer.. . Je le revois le visage buriné sous sa casquette, le pas tranquille, aller vers le travail de la journée ! Parfois c’était chez lui, parfois chez les voisins ... à charge de revanche…
Ma grand-mère, assez corpulente, le sourire au coin des lèvres, souffrait de rhumatismes, ce qui ne l’empêchait pas de cuisiner les légumes du jardin, le lapin en gibelotte ou les conserves de fruits.
Après l’année scolaire nous étions heureuses de passer du temps avec eux,… Pour eux les trajets étaient compliqués et fatigants pour nous rejoindre : nous n’avions pas de voiture et la ligne de chemin de fer ne desservait que le bourg… Il y avait bien un car mais l’arrêt se situait à deux kilomètres de leur maisonnette… C’est là où nous descendions avec le panier de victuailles confié par notre mère !
A cette époque les occupations que nous allions retrouver étaient le sarclage des légumes ou le ramassage des fruits dont grand-mère faisait d’excellentes confitures, ou alors nous sautions à la corde, ou jouions avec les enfants de la maison d’en face, lesquels avaient la particularité de posséder six doigts à chaque main ce qui nous semblait extraordinaire… Nous nous contentions de peu … Je me souviens d’une cueillette de cerises mémorable… C’était le temps des tabliers pour les filles… on s’en servait aussi bien pour y mettre les noix trouvées le long des chemins, que l’herbe pour les lapins, ou , en l’occurrence, les cerises gorgées de soleil et bien mûres… mais qui tachaient énormément … quelle surprise en vidant le tablier !
Notre quinzaine passait trop rapidement et nous repartions dans les mêmes conditions, chargées du même panier rempli de beaux légumes tout frais !
C’était un autre temps, une façon de vivre toute simple au plus près de la nature… Nous mangions le poisson que nous pêchions, et les galettes de blé noir cuisinées par notre mère … Lorsque les finances le permettaient nous enroulions cette galette autour d’une saucisse bien dorée, c’était succulent !... Nous faisions un long trajet à pied pour nous rendre à l’école et revenions avec le pain de 4 livres (et sa pesée) que nous achetions chez l’unique boulanger, en passant devant chez lui…
C’était une belle enfance et nous étions heureux !
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