La petite mer
Aujourd'hui j'ai envie de vous décrire un splendide petit coin breton comme il y en a tant ... je suppose d'ailleurs que la plupart d'entre vous le connaissent, alors laissons-nous porter par de si beaux souvenirs !... C'est une grande bouffée d'iode pour nous aider à sortir des frimas !
Acrylique
Le café à peine avalé, Agnès nous interpelle
gaîment :
-« Avez-vous des projets pour cet
après-midi ? »
Le
sourcil interrogatif je regarde Doris :
-« Pourquoi ? » dit-elle
-« Répondez-moi simplement ! Qu’avez-vous
prévu ? »
-« Nous comptions faire les magasins, »
répondis-je après une hésitation ;
Doris
ajoute :
-« Il fait beau, autant en profiter
... ! »
-« Justement, reprend Agnès, vous êtes ici pour
quelques jours et les magasins c’est possible même quand il pleut … Vous avez
bien apporté une paire de baskets ? »
-« Baskets et maillot … avec toi, on ne sait
jamais !... »
-« Pour aujourd’hui les baskets suffiront …
chaussez-les vite, je vous emmène ! »
-« Mais, où ? » dit Doris
-« C’est une surprise … prenez aussi un pull, en
bord de mer le temps change vite … je vous attends dans la voiture… »
La
porte claque, Agnès a disparu avec le dernier mot !...
Doris
sourit :
-« Chic, quelque chose me dit qu’une balade se
prépare … ce devrait être sympathique ! Depuis quand n’avions-nous pas vu
Agnès ?... »
-« Depuis quelques mois, il est vrai … tu sais qu’il
y a eu son déménagement, son nouveau travail, c’est une fille tellement
dynamique …Après tout elle a raison… allons respirer le grand air, il est si
doux aujourd’hui ! »
Dix
minutes plus tard, nous dévalons l’escalier heureuses de retrouver notre amie
commune.
E
n ce joli mois de mai la chaleur s’enroule dans une brise légère… Les bras nus,
Agnès frotte énergiquement le pare-brise de sa petite polo rouge :
-« Installez-vous, j’ai fini », nous
dit-elle avec un sourire éclatant !
Personne ne peut résister à l’entrain
d’Agnès ; avec ses cheveux bouclés, son regard couleur de nuit et son corps
musclé toujours en mouvement, elle draine les plus coriaces dans son sillage …
La cinquantaine lui a apporté, avec quelques rondeurs dont elle se moque, une
envie insatiable de croquer la vie, de creuser le temps qui passe pour en tirer
le meilleur… A chacune de nos retrouvailles, l’inattendu domine et l’on ne sait
jamais vraiment comment va se dérouler la journée !...
-« Allez, ne trainons pas, nous avons un horaire à
respecter !... »
-« Peut-être pourrais-tu nous faire connaître le but
du voyage ? » lance Doris en bouclant sa ceinture
-« Je vous laisse deviner … croyez-moi, vous ne
serez pas déçues ! »
Dans
les yeux bleus de Doris passe une lueur amusée, son nez se retrousse sur un
rire satisfait :
-« Le séjour commence bien, non ?... Je me
laisse donc aller au plaisir de la découverte ! »
Doris et moi sommes arrivées à Vannes
la veille au soir sur l’invitation d’Agnès ; toutes les trois nous nous
connaissons depuis le lycée et conservons le contact entre nous malgré nos vies
dissemblables et les distances qui nous séparent… Cette année, Agnès a élu
domicile en Bretagne et c’est avec joie que nous sommes venues découvrir cette
région, accueillies par un petit vent
frais, le chat angora Titus et une superbe allée d’hortensias bleus
conduisant à la petite maison en granit
de notre amie.
Soudain
une odeur d’iode me chatouille les narines tandis qu’un envol de mouettes
bavardes annonce la côte :
-« Où sommes-nous ? » demande Doris
-« Nous arrivons chez les gustanais ! … »
répond Agnès avec malice
Notre
silence interloqué la fait éclater de rire !...
-« Eh oui, les filles, gustanais, habitants de
Saint-Goustan, notre destination … provisoire ! »
Tout
en parlant, Agnès a garé la voiture et nous en descendons avec des regards
curieux sur le vieux port qui nous fait face.
-« Allez vite, le bateau part dans un quart d’heure
… »
D’une
seule voix, nous demandons :
-« Un bateau pour aller où ? »
-« Patientez encore un peu, je prends les billets et
vous explique tout ! »
Quelques
minutes plus tard, assises à l’arrière d’une navette rouge dont le moteur
ronronne, nous avons notre réponse :
-« Voilà…
nous allons faire le tour du golfe du Morbihan, le circuit dure une
heure, vous verrez c’est magnifique …
J’ai découvert ce port à mon arrivée l’an dernier et tiens à partager
avec vous la beauté de ce petit paradis … »
Un paradis … c’est vraiment le cas de
ce golfe enchanteur, de cette petite mer enserrant dans ses vagues irisées des îles de toutes tailles … Sur les
plus étendues, un clocher surgit dépassant les toits d’ardoises gris-bleus …
les enfants s’amusent sur la plage … des bateaux sont en carénage alors que les barques colorées dansent près du rivage
attendant le pêcheur avec ses casiers et ses filets ! Quant aux plus
petites, elles sont un refuge pour les goélands, les colverts et les
aigrettes ! Tous les hivers les échassiers viennent y chercher refuge car
la mer est poissonneuse et aussi généreuse avec les chalutiers qu’avec la gent
ailée ! Entre les bancs de sable blond
et les courants la vie s’est installée sur des arpents de terre posés ça
et là … chacun d’eux chapeauté de pins, vêtu de landes et de genêts
cernant dolmens et menhirs !
Le regard s’étonne, s’attarde,
s’émerveille, se glisse dans les reflets argentés de l’eau, rêve avec la
mouette perchée sur le mât d’un voilier, découvre un ciel changeant qui,
parfois, dépose ses moutons au milieu des bruyères, le temps de recomposer un
immense lavis !...
Huile 55 x 38 |
La
voix de Doris me ramène sur terre :
-« Regardez ce pont … il est
incroyable !... »
Agnès
sourit :
-« Ce pont … est celui par lequel nous sommes
arrivées tout-à-l’heure ! Vous n’aviez pas eu le temps de le remarquer …le
voyage est fini, tout le monde descend ! »
En effet, la navette s’est arrêtée le
long de la jetée, près des bateaux de pêche. A terre, deux marins, en larges pantalons jaunes, réparent leurs
filets … Sur d’énormes pieux, de gros cordages sont enroulés le long des quais
… un homme passe courbé sous le poids
d’une barque … Surprises, nous le suivons des yeux … un peu plus
loin, il dépose son petit bateau sur la première vague, et,
après s’y être installé, rame vigoureusement pour rejoindre son
chalutier : c’est l’heure de partir pour une pêche qu’il espère
fructueuse !
Pour nous qui vivons en montagne, le
dépaysement est complet… cette vie
simple, rythmée par les marées, dans ce
cadre si différent du nôtre, nous apporte des sensations toutes nouvelles. La peau humidifiée par le vent salé, la tête bouillonnant d’images inoubliables,
nous emmenons Agnès vers la première
crêperie, de l’autre côté du pont, bien décidées à fêter la journée autour d’une table sentant bon la Bretagne !...
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