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Au temps des simples
L’histoire que je
m’apprête à raconter commence dans les tréfonds obscurs de
l’année 1314 que tous se rappellent comme une année fastueuse et
catastrophique…
Fastueuse… sans
doute le fût-elle pour certains privilégiés, mais mon récit n’a
pas pris corps au milieu de cette élite !
Catastrophique ?
Les livres d’histoire rapportent , en effet, l’incidence de
la disette qui s’était installée à la suite d’une sécheresse
effroyable ayant perduré durant un long été… Il y eût des
morts, des épidémies, des tragédies dues au manque de nourriture :
on accusait même les herboristes et
autres apothicaires de conserver pour eux le secret des plantes
séchées lesquelles, soi-disant, auraient permis de sauver une
partie de la population !…
Marjolaine
était de ceux-là, de ceux qui avaient étudié les bienfaits des
herbes, qui les reconnaissaient et savaient les utiliser. Ce secret,
elle l’avait appris de sa grand-mère, mais elle n’a pas pu le
transmettre à son tour, il a disparu avec elle…
Lorsque
j’ai connu le déroulement de sa courte vie mon cœur s’est serré
de compassion malgré la course des siècles !
Marjolaine
avait 16 ans lorsque le drame est arrivé. Elle était belle et avide
de vivre en aidant les autres. Mais la famine était là et, avec
elle, tout ce que la peur de mourir peut attiser sur le comportement
de gens affolés par cette perspective : des réactions les plus
viles aux gestes les plus fous, aux idées les plus démentielles !…
En
pleine canicule, alors que les chemins craquelés ne laissaient
jaillir que des colonies d’insectes, alors que les réserves de
chacun étaient épuisées depuis belle lurette, alors que les
enfants au ventre gonflé, aux yeux cernés, aux membres décharnés,
tendaient leurs doigts amaigris pour demander une croûte de pain,
une goutte d’eau boueuse, des parents s’étaient ligués pour
envahir la modeste demeure de Marjolaine. Ils avaient fait courir le
bruit qu’elle conservait, dans sa soupente, des légumes séchés,
châtaignes et champignons, racines et féculents, qu’ils
supposaient en nombre suffisant pour les sauver tous !
Effrayée
par l’intrusion d’une horde menaçante Marjolaine, repliée sur
elle-même au coin de l’âtre, niait qu’elle conservât cette
manne salvatrice.
- »
Nous allons te faire avouer, sale sorcière… dis-nous où tu caches
tes poudres, tes épices, tes fioles, tes fruits séchés, tous tes
secrets… »
Ils
étaient là, vindicatifs, l’œil mauvais et la pauvre fille se
sentit perdue… Malgré ses dénégations, le chef de fils devînt
plus violent :
- »
Debout… Tu avoues où tu vas le payer très cher !… »
En
quelques instants l’agressivité latente se répandit sur la foule
qui hurla… On lui attacha brutalement les mains, ou la secoua, on
la frappa, enfin on la fît sortir et l’on dilapida ses maigres
biens sans rien trouver, bien entendu !
C’est
alors que le peuple devînt abject, fou, barbare, ne voulant pas
croire ce qu’il constatait ! Marjolaine fût jetée dans sa
maison, la porte fermée et bloquée, on y mît le feu et c’est
ainsi que la jeune fille perdît la vie dans un brasier attisé par
le vent brûlant…
Oui
cette année 1314 qui vit se dérouler de telles horreurs peut être
qualifiée de catastrophique mais notre monde actuel et moderne n’a
rien à lui envier… N’a-t-on pas toujours sur notre planète si
fragile, des pays sous-alimentés, des attentats sanglants, des
guerres incessantes dont le peuple fait les frais ?…
Le
monde ne change pas !… Quelle que soit l’époque la violence
reste présente… Mais ne désespérons pas de notre humanité… Ce
n’est pas une raison pour oublier les hommes de bonne volonté , et
ils sont nombreux, qui œuvrent souvent dans l’ombre, pour protéger
la vie !
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