Pic et pic...

forêt de Brocéliande

          Un jour, il y a fort longtemps de cela, la fée Morgane en son palais de Brocéliande, au fin fond de la Bretagne, reçut un messager ailé vêtu de noir, portant le nom charmant de « Buzonnet ».

        La fée Morgane était reconnue dans tout le pays comme réglant les conflits avec rigueur et droiture. Sa réputation avait traversé plaines et océans et remonté jusqu’aux cols alpins !

        C’est donc la raison pour laquelle les habitants du petit village d’Auriac (sur les pentes de la montagne de Bayard) avaient dépêché Buzonnet, le plus vif et le plus efficace de leurs messagers, auprès de Morgane.

 


        Le problème était d’une importance vitale pour tous car il concernait les deux sources qui alimentaient Auriac, lesquelles jusqu’à ce jour avaient offert leur eau pure en abondance... Mais, voilà, l’une de ces sources ne donnait plus rien… Pourtant ce n’était pas à cause d’un manque d’entretien (l’eau était trop précieuse pour que les utilisateurs oublient nettoyage et surveillance) ! Non, il s’agissait plutôt d’un événement simple et inattendu : la source semblait tarie !

         Au début il n’y eut pas d’affolement : l’on remplissait les jarres à celle où continuait de jaillir cette eau claire et vivifiante et puis, petit à petit, une rumeur prît possession des habitants… elle grandit et enfla tant et si bien qu’elle éclata à l’heure où la file des porteurs d’eau s’étirait sous un soleil accablant.

          Ce fût d’abord un chuchotement :


- » Il faut faire quelque chose… Nous sommes trop nombreux… on passe son temps à attendre... »

 


Le chuchotement devint un grondement sourd et une voix aiguë surmonta le brouhaha :

 

- » Celle-ci aussi pourrait s’épuiser, notre rue de la Pitancerie est prioritaire… Il faut chercher ailleurs une autre source… peut-être sur le champ forain… une canalisation est toujours possible mais ce n’est pas à nous d’en faire les frais... »

 

         Le Consul devint juge et arbitre… sans réussir à se faire entendre… Les cultures étaient de plus en plus maigres faute d’arrosage suffisant… L’hygiène laissait à désirer car on se lavait de moins en moins… Quant au bétail, aux oiseaux, à tout ce petit monde qui fourmille dans la nature, pour eux le manque d’eau devenait vital !... Plus de chants légers le matin : ils étaient remplacés par des bêlements, des meuglements, des grognements incessants et assourdissants... La situation devenait intenable et Buzonnet avait donc été chargé de rapporter le jugement de Morgane, car chacun des protagonistes avait accepté d’appliquer son verdict sans rechigner…


        
Assise sur un trône de bruyère, sous le couvert de pins verdoyants, les pieds posés délicatement sur une mousse tendre, son corps gracile disparaissant dans son voile aérien aux couleurs irisées, Morgane réfléchissait, son regard bleu détaillant le petit ambassadeur…

 

- » Dis-moi, Buzonnet, est-ce que tous les habitants d’Auriac ne seraient pas concernés par ce problème dont tu me parles ?… Au lieu de se disputer, pourquoi n’agissent-ils pas en êtres responsables de leur communauté, œuvrant pour le bien-être de chacun d’entre vous ? La situation n’a rien d’anormal… il suffit de se mettre à la tâche !… Prends cette baguette magique, porte-là au Consul… Elle lui permettra de détecter rapidement une source nouvelle  !… Après il faudra creuser, creuser encore, de plus en plus  profond… il faudra persister, transpirer, mais l’eau jaillira pour la survie de tous, Dis à ceux qui t’envoient qu’il leur suffit de s’entraider pour que le calme et la joie de vivre reviennent sur leurs terres… Quant à toi, je sais que tu es plutôt sédentaire et qu’il t’a fallu du courage pour faire ce long voyage… Tu vas remporter un joli souvenir…"


         En disant ces mots, Morgane posa un doigt léger sur la tête de Buzonnet…

 

C’est ainsi que, depuis ce jour, une calotte rouge orne la tête du pic noir… Le saviez-vous ?

                                                               

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