Celle qui rassemble
d'après Renoir (Huile) |
Au premier abord, elle était carrée, rassurante ! Bien stable
et ancrée sur des pieds tournés à la mode ancienne, elle
possédait, à la fois, le charme d’une beauté tranquille et la
promesse d’une longue vie avec la satisfaction d’être utile à
chacun !
C’était
une table en noyer, forte et résistante comme on savait les
fabriquer à la fin du 19° siècle. Assortie d’un buffet Henri II
à la corniche débordante et aux portes sculptées, elle nous était
offerte par mes beaux-parents. Nous venions de nous marier et je
découvrais l’appartement qu’ils nous proposaient !
Celui-ci, situé dans un vieil immeuble aux murs épais, aux plafonds
hauts et aux fenêtres étroites donnait sur la rue principale et, la
dominant du second étage, si le soleil était rare, la clarté y
était suffisante et bienvenue !
Le
mobilier, tout en restant limité, comportait dans la pièce
principale, outre le buffet et six chaises recouvertes de cuir
repoussé un peu élimé, cette table généreuse et nécessaire à
la vie de tous les jours. Elle avait déjà connu plusieurs
générations d’aïeux et voyait maintenant son destin accolé
au nôtre ! Un destin qui traversait, placide, modes et façons
de vivre…
Aujourd’hui
encore j’imagine s’y succéder les ancêtres de mon mari, en
redingote ou complet à larges carreaux, pantalon de golf, casquette
ou chapeau mou… pour passer, un peu plus tard au costume
fuselé et chemise à col cassé. Les femmes, corsetées et serrées
dans une robe à tournure, le buste bien pris sous un col montant le
visage surmonté d’un large chapeau (qu’elles devaient ôter à
table, je suppose…) ! Puis plus libres de leurs mouvements,
elles ont dû adopter les robes décolletées, frangées, coiffure
courte et talons aiguille pour danser le charleston… Sans parler
bien sûr des vêtements simples de tous les jours, plus adaptés aux
nombreuses tâches qui incombaient, et incombent toujours, à la
maîtresse de maison.
Je
pense qu’aujourd’hui ma table se sent un peu dépassée avec la
conversion de la jaquette et de la jupe en jeans et en tee-shirts
pour tout le monde… Les bottines cirées qui se reposaient sur ses
pieds avenants ont été remplacées par des baskets et encore des
baskets…
Ouf ! Fini le « guindé »… Bienvenue au
« moderne »… c’est aussi la mode à suivre…
mais il est difficile de changer ses habitudes lorsque l’on est une
vieille dame… un peu rétro !
Je
l’entends ma table centenaire… Elle supporte très mal un
laisser-aller trop souvent installé… Ce matin elle m’a chuchoté
que, pour le dîner il me fallait refuser pizzas, hamburgers et
smoothies proposés par les enfants et plutôt leur concocter ce bon
poulet basquaise qui est une de mes spécialités… avec, comme
dessert, un far aux pruneaux !
– »
Que veux tu, me
souffle-t-elle, je ne m’habituerai jamais à
servir de support à cette nourriture si peu conventionnelle… qui
détériore leur santé », ajoute-t-elle pour me
persuader du bien-fondé de sa remarque ! Mais
elle le sait bien : nul n’a besoin de me convaincre je suis
tout acquise à cette façon de voir et, sur son ventre maternel, je
dépose plutôt gratins et crêpes bretonnes !…
Je
la sens heureuse ma bonne vieille table lorsque je lui ouvre les bras
pour lui ajouter les 2 rallonges qu’elle camoufle d’habitude…
Je l’habille d’une nappe claire , je dépose les assiettes à
proverbes qui datent de sa jeunesse… j’ajoute mes couverts en
argent (gagnés lors d’un concours…) ! Je continue avec de
jolis verres à la mine cristalline, et je termine avec de petites
serviettes de table brodées avec amour il y a 50 ans… mais
assorties au style de sa robe !
Croyez-moi
la mode peut bien changer, ma table restera fidèle à son rôle
accueillant pour les générations à suivre !
(Huile) |
Oh oui ! cette table nous la connaissons bien; combien de fois nous a-t-elle rassemblés !
RépondreSupprimerEt toujours prêts à l'assaillir… pour un far au pruneau et sa si prévenante propriétaire.