Un lever de soleil (1)

 


        Très souvent, lors de mes lectures, il m'arrive de sélectionner un passage de l'ouvrage, de m'en imprégner et de le recopier afin de m'y replonger pour l'apprécier davantage, en essayant de le lire avec un nouveau regard...
        C'est ainsi qu'aujourd'hui je vous offre un lever du jour...

« Un frémissement de lumière grise coula sur la cime des arbres depuis le fond du val jusqu’aux abords du grand pic où la forêt finissait. On l’entendait là-haut battre contre le rocher… le rocher s’éclaira. Il n’y avait pas de lumière dans le ciel seulement, là-bas vers l’est, une blessure violette pleine de nuages. La lumière venait de la colline. Sortie la première de la nuit, noire comme une charbonnière, elle lançait une lumière douce vers le ciel plat, la lumière tombait sur la terre avec un petit gémissement, elle sautait vers le rocher, il la lançait sur des collines rondes qui, tout de suite, sortaient de la nuit avec leurs dos forestiers. L’ombre coulait entre les bosquets et les coteaux, dans les vallons, le long des talus, derrière le grillage des lisières. Un choucas cria. L’ombre portait les montagnes et les collines comme de larges îles d’un vert profond, sans reflets, noircies par la couleur de cet océan qui, d’instant en instant, se desséchait, descendait de leurs énormes racines de terre, découvrant des forêts, des pâtures, des labours, des fermes, descendant de plus en plus bas, jusqu’à leur vaste assise contre laquelle le fleuve ondulait comme une herbe d’argent.

« Des vols de rousseroles et de verdiers se mêlèrent au-dessus des aulnes avec leurs deux cris alternés, comme les cris d’un chariot qui danse dans les ornières. La nuit bleuissait. Il n’y avait plus qu’une étoile rousse. Le vent s’arrêta. Ls oiseaux s’abattirent dans les arbres. Les chênaies émergèrent. Le jour coula d’un seul coup, très vite sur le fleuve, jusqu’au loin des eaux. Les monts s’allumèrent. Les collines soudain embrasées ouvrirent leur danse ronde autour des champs et le soleil rouge sauta dans le ciel avec un hennissement de cheval »

- » Le jour » dit Matelot.

Jean GIONO

« le Chant du monde »





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