Tourneboule ...






       Dans le mystère de la forêt tropicale, au milieu de plantes gigantesques, verdoyantes, souvent inconnues, tout une vie animale emplit l'espace, chuchote, affole ou passionne les curieux !... C'est le domaine des oiseaux aux couleurs vibrantes, des insectes bourdonnants, des singes équilibristes, des reptiles se faufilant sans bruit ! 
             Au centre de cette vie bouillonnante, j'ai fait la connaissance de "Tourneboule" un magnifique serpent à sonnettes qui était ravi de confier ses états d'âme  à mes oreilles attentives ...

Acrylique

-" On m’appelle « Tourneboule » et je fais peur … On me prend pour un trouble-fête, une bête immonde ! On m’évite … Je suis celui dont on s’éloigne en courant, celui que tout le monde craint, celui que personne n’ose regarder … Le seul fait de prononcer mon nom attire des cris d’horreur, des discussions stériles … Je dois dire que personne ne cherche à me  comprendre !...

            -"   Et pourtant … J’ai la peau douce, des couleurs chaudes et lumineuses, je suis calme et sais ne pas m’imposer … Il faut vraiment que l’on vienne me dénicher dans ma forêt tropicale, que l’on me marche sur la queue, que l’on me pousse à bout, que l’on me titille d’un peu trop près, pour que je m’énerve !... Alors là, bien sûr, je sais me défendre, me dresser d’un seul élan et sortir mes crochets empoisonnés pour me faire respecter ! Mais, sachez-le, je n’attaque jamais le premier !...

Acrylique


              -" Pourquoi donc les humains adorent-ils ces êtres turbulents et tapageurs dont ils font leurs compagnons ?... Pourquoi préfèrent-ils les tignasses poilues aux volutes charmantes de mon anatomie ?... Pourquoi sont-ils attirés par les pattes griffues alors que je ne suis que douceur et harmonie ?... Pourquoi apprécient-ils les aboiements, les miaulements, les grattements, plutôt que la sérénité permanente dont m’a comblé la nature ?... 

Encre et extrait de cassel


              -" L’être humain est incompréhensible ! Si l’on faisait un peu plus attention à moi, si l’on me donnait un peu d’affection, je saurais très bien devenir attachant m’enrouler doucement autour de mon bienfaiteur, le caresser, le réchauffer, lui devenir indispensable !...

               -" Malheureusement, si par hasard quelqu’un s’intéresse à l’un de mes congénères en l’amadouant avec quelque rat des champs, c’est pour l’enfermer et le dresser à sa façon avant de l’exposer en public sans lui demander son avis !... Encore heureux s’il ne le mutile pas en lui ôtant ses crochets qui sont sa survie !...

               Alors voilà ! Tourneboule je suis, Tourneboule je resterai ! C’est ma vie ! J’en suis très affecté … Pourtant, avant d’aller chercher fortune dans la jungle toute proche, mon père m’avait prévenu :

« Retiens-toi … n’agite jamais tes sonnettes pour te faire remarquer, c’est trop dangereux, tu risques de tomber dans un guet-apens !... Sache que tu resteras toujours un être extraordinaire, en dehors de la normalité … Ta beauté n’aura jamais besoin d’artifices … Tu seras le maître de ton domaine sans aucun effort, mais tu dois dès maintenant t’habituer à la solitude de notre race … C’est le prix à payer pour ne pas être inquiété … Sois fier de ton état, mon fils, apprécie cette nourriture que tu as à profusion  et qui ne t’est pas disputée … accueille avec respect ce soleil qui te bichonne… gargarise-toi des pluies abondantes … savoure la beauté de cette nature épanouie et bienveillante qui t’abrite, te cajole et ravit ton regard … N’oublie jamais que cette richesse dont tu profites gracieusement vaut bien plus que toutes les flatteries que tu sembles regretter, lesquelles ne sont que calculs inavouables de la part de prédateurs dont tu ignores jusqu’où peut aller la méchanceté … Déguste, sans arrière-pensée, ces trésors enchanteurs offerts avec générosité et sers-toi de ton esprit pour admirer et non pour te lamenter … Je compte sur toi ! »

 
Acrylique

        Jamais je n'avais supposé qu'un serpent puisse me parler de ses problèmes avec franchise et confiance !... Pour le remercier je lui ai fait connaître le village de mes rêves ... Subjugué, après avoir réussi une visite de reconnaissance ondoyante et discrète il m'a dit qu'il reviendrait puis s'est dissimulé sous les feuillages impénétrables jonchant le sol et a disparu sans bruit ! ...     
                                                                                                           

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