Un été de larmes...
Article mis à jour le :21/09/2019.
Rien ne prédisposait cette journée à un événement pareil, pas un
changement d’air, pas un signal du vent, pas une variation de la
couleur de l’eau, pas un frémissement de la terre, pas même un
comportement inhabituel des animaux… rien ! Le ciel était
d’un bleu sans fond, le soleil d’une brillance parfaite et les
ombres glissaient sur le sol au fil des heures : longues
d’abord, plantées dans des restes de nuit, puis se rétrécissant
pour finir en bordures au pied des êtres et des choses.
C’est arrivé à peu près à l’heure de midi. La vie
s’écoulait, paisible, dans son ronron ordinaire, quand tout à
coup l’envie me vînt d’écouter les informations… Je rentrais
de 2 jours de randonnée en montagne, seule et sans portable… Là
où je portais mes pas, aucun réseau n’existait et, une fois pour
toutes, j’avais pris le risque de « décrocher »
vraiment en partant à l’aventure faisant confiance à mon
instinct pour sortir sans dommage de sentiers presque inconnus…
Tout de suite je fus interpellée par le sérieux du journaliste et montai le son sur mon petit transistor :
- » Aujourd’hui la plage est désertée… ce qui devait
être une journée de vacances pour beaucoup est devenue une journée
de deuil pour tous les Français… Je vous rappelle qu’à la suite
de l’attentat survenu, hier soir, sur la promenade des Anglais,
alors qu’un camion fou est entré dans la foule, tuant plus de 80
personnes et faisant de nombreux blessés, l’état d’urgence a
été prolongé… »
Le reporter faisait de son mieux pour évoquer une situation
monstrueuse dont il devenait l’intermédiaire… et je restai sans
voix !
Avais-je bien entendu ? Le temps semblait suspendu… Au loin
des cloches sonnaient non comme un angélus mais pour un glas dont je
découvrais les raisons !
Quelle horreur… un 14 juillet où la foule insouciante attendait
le feu d’artifices en famille pour célébrer une victoire… Un 14
juillet qui se transformait en cris, en hurlements, dans un bain de
sang, le sang de tant d’innocents venant rougir le sable chaud de
l’été !…
La voix avait repris de l’assurance et transmettait l’étendue
du carnage au fur et à mesure que les nouvelles s’étoffaient à
la rédaction…
Comme tant d’auditeurs, j’étais abasourdie par les événements…
Machinalement mon regard suivait les évolutions d’un merle sur le
sol bleu gris de l’entrée ! Lui chantait de toutes ses
forces : il saluait l’été qui s’était installé gonflé
de promesses… un été qui aurait dû être si beau mais qui, pour
toujours, resterait marqué par la désolation et le chagrin de tout
un peuple… Un peuple qui ne comprenait pas, qui n’accepterait
jamais que l’on tue ses enfants pour rien !…
Tant de souffrances survenues en si peu de temps… J’imaginais
si bien les sirènes, les ambulances, les cris, les corps déchirés,
les yeux noyés de larmes impuissantes, la plage imprégnée de sang
et l’eau qui attendait sa part, patiente, insouciante, dans son
éternel mouvement de vagues chuchotantes !
Le temps s’était arrêté ! La presse reprendrait longtemps
le cours du drame, la télé accrocherait nos regards avec des images
violentes… On ferait des célébrations, des journées du souvenir,
les enfants déposeraient quelques brins de lavande sur des
emplacements marqués à jamais… Mais, je savais que chacun
garderait au fond du cœur un sentiment d’effroi, d’injustice,
d’empathie envers les victimes… la vie continuerait !
Pourtant, plus que jamais, la paix resterait fragile, incertaine et
toujours si précieuse ainsi qu’une perle rare serrée en nos deux
mains mais toujours prête à s’échapper !…
14 JUILLET 2016
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