Accéder au contenu principal
Les hasards de la vie...
Mis à jour le 14/08/2019
1 -
Il avait tout d’un montagnard épuisé : de
lourdes chaussures poussiéreuses, un corsaire boutonné sur des
mollets ronds et musclés que l’on devinait sous les chaussettes
blanches tricotées, le dos courbé sous un sac sur lequel
brinquebalait une gourde métallique rouge paraissant vide et même
un bob chamarré cachant une partie de son visage…
Il
s’était arrêté là, au coin de la place du marché, détonnant au milieu de
gens pressés vaquant à leurs occupations, de cris d’enfants et de
conversations décousues remplissant l’espace d’une gaîté
estivale… Sous un auvent rayé un accordéoniste jouait une mélodie
ancienne reprise à l’unisson par les voix tonitruantes de jeunes
gens rieurs, un peu moqueurs, respirant la joie de vivre !
Incertain,
l’homme s’était laissé tomber sur un banc de bois, essuyant du
bras de longues traces de sueur sur ses joues imberbes… Soudain ses
yeux fatigués aperçurent la fontaine cimentée, inaugurée quelques
années auparavant, dans laquelle un jaillissement d’eau claire et
chantante interpellait les passants… Retrouvant alors une énergie
toute juvénile je le vis se précipiter vers elle, ôter son
couvre-chef et, sans hésiter, passer sa tête sous le jet
bienfaisant… Puis il but de longues goulées revigorantes …
Quand
il se redressa je me rendis compte que venant de déposer sa fatigue
sur la margelle il redevenait un jeune homme plein de vie et
d’assurance ! D’ailleurs, affichant un sourire éclatant et
une fougue inattendue, il se précipita vers le groupe de jeunes gens
et mêlant sa voix aux leurs devint, sans difficulté, un des leurs !
2 - La journée s’annonçait belle et Linda, la
pianiste, décida de laisser les gammes de côté pour aller respirer
l’air pur. Une randonnée solitaire la tentait terriblement avant
que ne s’accumule, au-dessus du village encore assoupi, la canicule
qui sévissait depuis le début de l’été !
D’un
geste décidé, elle remplît en hâte son vieux sac à dos de barres
de céréales et d’une poignée de fruits secs ; elle y
adjoignit un mince pull-over, sa gourde remplie d’eau fraîche et
ses lunettes de soleil ! Le pied sûr dans ses chaussures à
semelles crantées, le regard heureux, le tube de crème solaire à
portée de main, elle sortit de chez elle et démarra sur le sentier
qui menait au lieu dit « la montagne aux chamois » !
L’air
encore vif lui fouetta le visage et elle en ressentit un immense
bien-être ! Elle connaissait la balade sur le bout des doigts
et en prévoyait tous les contours, les difficultés et les moments
de grâce… Elle savait y retrouver des merveilles, merveilles qui
embellissaient sa vie quotidienne, merveilles dont elle ne se lassait
jamais !
La cascade, par exemple ! Elle avait pu
l’admirer en toutes saisons : au printemps lorsque la fonte
des neiges lui donnait une force et une beauté incomparables. En
automne quand elle se coulait, voluptueuse et frémissante, sur une mousse serrée tout le long de son parcours pour atterrir
dans les couleurs rousses et dorées de l’énorme réservoir !
En hiver, glissant sur les parois glacées des rocs pentus,
disparaissant soudain dans un brouillard de gouttelettes et
continuant à sculpter, à l’arrivée, une collection de glaçons
irisés, mais de plus en plus longs et acérés !
En
été, comme aujourd’hui, la cascade serait sereine, attentive à
nourrir les nombreuses plantations accrochées dans les recoins
qu’elle fréquentait si assidûment ; tout autour de la
retenue les buissons verdoyants pencheraient leur tête ébouriffée
vers cette manne providentielle et elle, Linda, redonnerait vie et
tonus à ses pieds fatigués débarrassés du carcan des chaussures !
Parfois
elle faisait aussi des rencontres… Le mois dernier, lors du retour,
elle avait rencontré Quentin ! Il était assis sur une pierre
plate, près de la cascade, et ne l’avait pas entendue arriver !
Il lui avait semblé à mille lieues de la réalité, perdu dans ses
rêves, envoûté par la magie de cet endroit… Lorsqu’elle
l’avait salué, il avait sursauté, interloqué, puis lui avait
souri, un peu penaud en lui disant :
- »
Des coins pareils vous font oublier tous vos soucis, non ? »
Elle
avait acquiescé, heureuse de se trouver en osmose avec ce promeneur
sympathique ! Sans réfléchir davantage elle s’était assise
à ses côtés et ils avaient parlé… longtemps… oubliant le
temps, échangeant en termes simples leurs points de vue assez
similaires ! Il lui avait même avoué y venir pour la seconde
fois tant il avait été ravi par une première randonnée effectuée
la veille, ajoutant qu’il s’était un peu perdu au retour … Il
avait bifurqué au mauvais endroit et s’était retrouvé en pleine
ville au lieu d’arriver sur le parking où il avait laissé sa
voiture !
Quand
ils s’étaient quittés, l’ombre avait gagné le pan de la
cascade, le soleil réchauffait un autre décor, seule la chute d’eau
continuait à bercer leur histoire de son chant cristallin et
éternel !
Depuis,
ils s’étaient revus… Quentin était devenu un ami et ils
randonnaient souvent à deux… En songeant qu’elle le reverrait
le prochain week-end, Linda sentit s’accélérer les battements de
son cœur…
Articles les plus consultés
Commentaires
Enregistrer un commentaire