Lettre à mon frère

 

Brésil

        Dans la fratrie tu étais le second garçon : grand, mince, l’œil et le cheveu bruns, un caractère bien trempé, un peu rêveur, un peu poète, ta vie tu l’avais désirée tout près de la nature.

      Lorsque je revois ton parcours je me sens toujours aussi déstabilisée… Pourtant tant d’années se sont écoulées depuis ton départ de la maison ! J’ai eu tout le temps de m’habituer, de comprendre, d’accepter… Eh bien, pas du tout ! Ta vie loin de nous me laisse toujours un grand vide, un manque, une douleur sourde mais bien présente !

        Lorsque tu as obtenu ton diplôme dans cette école d’horticulture, j’étais heureuse et fière de ton succès. A l’époque je t’avais imaginé à la tête d’une entreprise que tu aurais créée avec passion, dans cette région bretonne que nous aimions, de façon à utiliser tes connaissances tout en continuant à leur donner plus d’ampleur ! Je te voyais préparer la terre, semer, arroser, récolter… Je t’imaginais façonnant des jardins merveilleux dans un univers verdoyant, canaliser l’eau, offrir aux curieux coins champêtres et boutures de toutes sortes, dans le bruissement odorant des feuillages et des fleurs butinées par les insectes…

        Pierre, je t’avais toujours envisagé vivant près de nous, près de ta famille, partageant joies et peines, projets et fêtes avec, à tes côtés, la compagne qui aurait donné tout son sens à ta propre vie…

Afrique

      C’était moi qui rêvais… Toi, les grands espaces t’appelaient, l’inconnu te stimulait, les voyages t’entraînaient vers des horizons secrets dont tu désirais démasquer les coins obscurs ! Alors tu es parti pour découvrir d’autres continents… Tu nous disais vouloir approfondir ton savoir dans des conditions différentes… Explorer d’autres sols, d’autres altitudes, d’autres conditions météorologiques…

      Tu es parti et ta soif de connaissances n’a jamais été assouvie. Tu avais envie d’aventure… Les difficultés que tu rencontrais n’ont jamais brimé ta soif de découvertes ! Tu désirais l’exotisme, casser les habitudes… Tu as supporté la chaleur intense et humide… Tu nous écrivais : 

«  J’aimerais vous faire parvenir un peu de vent de la mer des Caraïbes caressant le sable, là blanc, là noir à l’ombre d’un cocotier et aussi un peu de la simplicité des gens et cette gentillesse dont on ne peut plus se passer…

et encore :

«  le plus beau des concerts est le soir, sous l’équateur du Brésil ou d’Afrique, le chant et les airs de cette multitude d’insectes … Une nuit sous l’équateur il faut la vivre pour la comprendre… des lézards margouillats qui viennent à portée de main vous débarrasser d’un moustique, la chaleur qui vous fait suer et, de temps en temps, le sourire d’une fille une fleur d’hibiscus dans les cheveux « 

Mer des Caraïbes

       Tu as pris le temps de fonder une famille, des enfants sont nés… Tu as aimé ta maison de bois sans carreaux aux fenêtres, ta vie se déroulait dehors, sur des chemins inconnus, infranchissables pour nous… Comment te suivre dans cet univers si éloigné de nos préoccupations habituelles, à une époque où voyager n’était pas forcément accessible à tout le monde !…

         Mais un jour est survenue la maladie et tu as dû quitter ce domaine que tu avais construit de tes mains et auquel tu étais tellement attaché! Alors tu es rentré en France pour clore le livre de la vie et, en te regardant, en t'écoutant raconter, j’ai su que tu avais été heureux et que tu ne regrettais rien !

        Tu es entré dans ce monde dont nul n’est revenu et dans lequel, j’en suis certaine, tu perces le mystère des étoiles et des planètes … ce doit être passionnant pour un aventurier comme toi ! Alors bon vent mon frère… N’oublie pas de venir m’accueillir lorsqu’à mon tour mon âme aura décidé de venir te rejoindre ! Et tu me raconteras encore...

Gabon




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